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GN Pirate 2010
23 juin 2010

La légende d'Is (version 2)

 

s3h7cmLes hommes avaient construit une ville sur une longue roche au large de la baie de Douarnenez. Elle était si basse qu'il avait fallu la protéger de digues et de hauts murs, seulement ouverts par une double porte à système d'écluses.

L'île se nommait Is et avait pour roi Gradlon le Grand, souverain de Cornouaille. Il avait renié les anciennes croyances et s'était converti au christianisme avec un tel fanatisme qu'il jurait de massacrer tous ceux qui refuseraient le baptême. Il gardait juste vivants quelques uns de ces pauvres hères afin qu'ils lui servent d'esclaves dans sa belle cité d'Is. Il était conseillé par Corentin, et par son neveu Guénolé. A eux trois, ils firent d'Is une si belle ville que la capitale de la France en devint jalouse et fit tout pour avoir sa grâce et sa richesse, Lutèce voulut être pareil à Is, et bien plus tard, prendra jusqu'à son nom : Par Is devint Paris. Les églises surtout étaient belles, leurs décorations étaient travaillées par de grands artistes de tous les arts, de la sculpture, à la peinture, en passant par le travail du verre ou du fer et du bois. Dieu était partout, majestueux, riche, omniprésent.

Pour éteindre la flamme des druides dans les mémoires de ses sujets, Gradlon avait fait abattre nombre de menhirs et tailler des croix au sommet d'autres. Il avait fait arracher la langue de toutes les femmes du pays afin qu'esclaves et muettes, elles ne puissent pas enseigner les anciens noms sacrés à leurs progénitures. Ainsi était Gradlon le Grand pour l'immense gloire de Dieu.

Alors qu'il était sur le continent, son chemin croisa celui de trois prêtresses de l'ancien dieu. Il fit massacrer deux d'entre elles, mais tomba amoureux de l'extraordinaire beauté de la troisième, Malgwen la Noire, qu'il ramena à Is. En signe de soutien pour ses sœurs mutilées, elle refusa de lui parler et mourut en donnant le jour à une petite fille prénommée Dahut la Belle. Au moment où Malgwen rendit son dernier soupir, Gradlon entendit sa douce voix résonner dans sa tête le condamner en malédiction à mourir sans descendance.

Dahut fut élevée dans la cité, adulée par son père et instruite dans la nouvelle religion. Pourtant, au fond d'elle-même, elle rejetait un dieu si cruel envers les pauvres, et si impitoyable envers les anciennes croyances de son peuple. Elle sentait au fond d'elle que Dieu devait se trouver dans tout chose de la nature et pas seulement dans les églises. Elle accusa Corentin et Guénolé de se servir de Gradlon pour s'enrichir et asseoir leurs pouvoirs. Elle refusa d'incliner sa tête dans les chapelles et les églises.

Il advint que Dahut fut grosse sans avoir d'époux. Gradlon offrit devant Dieu la main de sa fille et son royaume à tout homme qui passerait sous sa couronne tenue par trois fils, si la couronne tombait sur sa tête. Tous les seigneurs tentèrent leur chance car Dahut avait la beauté de sa mère et la richesse de son père, mais la couronne du roi resta attachée aux trois ficelles. Les hommes du peuple furent donc admis à avancer à leur tour sans succès. Il ne restait que le plus pauvre d'entre les pauvres, un jeune homme roux qui n'avait même pas de domicile et possédait seulement un corbeau noir. Il s'avança sous la couronne qui se détacha et vint doucement se fixer sur sa tête rouge. Celui-ci offrit sa couronne à Dahut et lui dit s'appeler Bran Ruz (corbeau rouge). Il lui déclara être la vague qui l'avait engrossée et être le père de l'enfant à naître.

Gradlon ne pouvait admettre un tel scandale, pas plus qu'il ne pouvait revenir sur sa parole de crainte d'être parjure devant Dieu. Il demanda le Jugement de Dieu, fit attacher sa fille, son gendre et son tout nouveau né petit fils dans une barque qu'il lança dans les flots déchaînés d'une tempête.

Mais il ignorait que Bran Ruz était l'ami du Roi Poisson et que Dahut avait hérité des connaissances de sa mère. Le nouveau couple et son enfant arrivèrent sains et saufs sur une plage.

Le Rouge décida alors de défier Gradlon, désormais roi usurpateur, en un combat singulier. Une grande bataille s'en suivit, mais en perdant celle-ci, Gradlon fut obligé d'accepter le défi imposé par son gendre. Le combat fut fait dans les règles, et le trop vieux roi dut s'agenouiller devant le nouveau souverain d'Is.

La première mesure que prirent Bran Ruz et Dahut la Belle fut de libérer tous les esclaves et de leur permettre la liberté du culte. C'était sans compter sans Guénolé qui était encore à Is. Grandlon, laissé libre dans la cité, possédait toujours la clé des écluses. Avec l'aide de Guénolé et d'une poignée d'hommes lui étant restés fidèles, il fit assassiner le Rouge et Dahut et enleva l'enfant nouveau né, puis il ouvrit les portes, libérant l'eau dans la cité, noyant gens et animaux, écroulant les maisons et dévastant toute l'île.

Gradlon et Guénolé purent fuir à bord du navire qu'ils avaient pris soin de préparer avant leur méfait. Ils partirent à l'Abbaye de Landevennec. Mais l'âme de Dahut vint la nuit ravir celle de son fils et l'enfant mourut, sans que Gradlon n'ait d'autre descendance. La malédiction de Malgwen était complète.

D'Is, il ne reste rien. Pourtant, les pêcheurs entendent encore régulièrement les cloches des églises sonner sous la mer. Ils savent bien qu'Is n'est qu'endormie sous l'eau et qu'elle resurgira de nouveau des flots lorsque sa sœur, Paris sera à son tour engloutie.

 

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